The GRU’s galaxy of Russian-speaking websites

The GRU’s galaxy of Russian-speaking websites

Since 2016, numerous studies have shown Russian intelligence services’ involvement in online information operations. Case studies on the Internet Research Agency (IRA), Secondary Infektion , and the Ghostwriter campaigns shed light on the methods allegedly employed by the Russian government to influence and discredit beyond its borders.
However, little research has focused on Russian Intelligence’s control over the domestic information space. OpenFacto discovered and mapped more than one thousand Russian-speaking websites linked to the GRU, Russian military intelligence, to reconstruct their strategy and objectives, in a landscape already saturated with media loyal to the Kremlin.


OpenFacto’s study revealed that InfoRos, a news agency run by the GRU, began expanding into local news around 2012 throughout Russia. By registering no fewer than 1,341 digital « news portals » attached to cities, towns, districts, or even villages, InfoRos has created a network of amplifiers that surreptitiously broadcast the Russian government’s preferred narrative. The websites are primarily empty shells that regularly copy and paste innocuous content. These sites publish InfoRos content at regular intervals, which has a pro-government or anti-Western tone. The sites appear to relay an editorial line, which appearances suggest would be defined by the GRU, whose mandate is theoretically limited to outside the Russian Federation.


The report below presents OpenFacto’s methodology for discovering the websites and the hypotheses drawn from our analysis of the registered domain names, the Russian localities they target, and the chronology of their creation date. The main objective is to understand the objectives pursued by the GRU through InfoRos – especially in the digital space. To do so, we will first analyse InfoRos’ identity and its unique position within the Russian online « informational control » ecosystem.

This study will also introduce some tools and services to explore the « Ru.net  », a Russian and Russian-speaking segment of the Internet still little researched.

Download the report.

Download the domains’ list (csv file).

Update : 01-28-2022, correction of typos.

Rapport – La galaxie des sites russophones du GRU

Rapport – La galaxie des sites russophones du GRU





Depuis 2016, de nombreuses études suggèrent l’implication des services de renseignement russes dans des opérations en ligne de manipulation de l’information. De l’Internet Research Agency (IRA) aux campagnes Secondary Infektion et Ghostwriter, les méthodes supposément employées par le gouvernement russe pour influencer et décrédibiliser en-dehors de ses frontières ont été largement documentées. Toutefois, peu semblent encore avoir eu l’occasion d’alerter sur les efforts du renseignement extérieur russe pour contrôler l’audience intérieure de la Russie. Après avoir découvert plus d’un millier de sites Internet russophones liés au GRU, le renseignement militaire russe, OpenFacto les a cartographié pour reconstituer leur stratégie et objectifs réels, dans un paysage déjà saturé par les médias fidèles au Kremlin.





L’étude de ces sites révèle qu’InfoRos, une agence de presse servant de société-écran au GRU, est employée depuis au moins 2012 pour tenter de maîtriser les sources d’information locales dans l’ensemble de la Russie. En enregistrant au moins 1.341 « portails d’information » numériques rattachés à des villes, agglomérations, districts ou même villages, InfoRos a créé un réseau centralisé de porte-voix diffusant subrepticement la rhétorique du gouvernement russe. Si ce réseau de coquilles vides se contente majoritairement de copier-coller des contenus anodins, il distille en effet à échéance régulière des articles pro-gouvernementaux ou anti-occidentaux provenant d’une même source, InfoRos. Les sites étudiés ne seraient donc que des caisses de résonance relayant une ligne éditoriale définie par le GRU, dont le mandat se limite théoriquement à l’extérieur de la Fédération de Russie.





Le rapport ci-dessous présente la méthode de découverte de ces sites et les hypothèses qui peuvent être tirées de l’analyse des noms de domaines enregistrés, des localités russes qu’ils ciblent, et de la chronologie de leur création. L’objectif principal est de pouvoir en inférer les objectifs poursuivis par le GRU InfoRos – en particulier dans l’espace numérique. Cette étude sera également l’occasion de présenter certains outils et services permettant d’explorer le « Ru.net », ce segment russe et russophone d’Internet encore peu connu. Pour ce faire, nous reviendrons tout d’abord sur l’identité d’InfoRos, ainsi que sur sa place singulière dans l’écosystème russe de « contrôle informationnel » en ligne.

Edition du 19/01/2022 :
Ajout du fichier csv contenant la liste des domaines :

Nouveau rapport par OpenFacto – Turkey’s shadow arms deliveries

Nouveau rapport par OpenFacto – Turkey’s shadow arms deliveries

Téléchargez le rapport – Download the report

OpenFacto est fier de présenter son premier long rapport d’enquête sur la détection des violations de l’embargo sur les armes à l’aide de techniques de recherche en sources ouvertes. Turkey’s Shadow Arms Deliveries se concentre sur six cas de livraisons suspectes d’armes turques à la Libye utilisant des moyens de transport commerciaux: MV AMAZON, vol ER-BAJ, MV SINGLE EAGLE, MV BANA, MV ANA et MV PRAY. Utilisant les réseaux sociaux, google map, les bases de données accessibles au public et d’autres techniques de recherche, le rapport présente de nombreuses preuves indiquant des violations potentielles de l’embargo sur les armes imposé par les Nations Unies par la Turquie.

OpenFacto is proud to present its first long form investigative report on detecting arms embargo violations using open sources techniques. Turkey’s Shadow Arms Deliveries focuses on six cases of suspected Turkish arms deliveries to Libya using commercial transportation: MV AMAZON, flight ER-BAJ, MV SINGLE EAGLE, MV BANA, MV ANA and MV PRAY. Using social media, google map, publicly available databases and other research techniques, the report presents extensive evidence pointing to potential violations of the UN arms embargo by the Turkey.

La frontière gréco-turque, terrain d’affrontements physiques et virtuels

La frontière gréco-turque, terrain d’affrontements physiques et virtuels

La frontière gréco-turque, terrain d’affrontements physiques et virtuels

Thomas Eydoux / Antoine Hasday / Elie Guckert pour OpenFacto

Les forces turques et grecques face à face près du poste frontière de Kastanies-Pazarkule / Illustration : Elie Guckert / Source 

L’ouverture de la frontière gréco-turque par Ankara a généré de nombreuses images de violences entre les forces grecques et turques au poste frontière de Kastanies-Pazarkule. Des affrontements bien physiques qui ont été accompagnés d’une guerre des mots et des images livrée sur les réseaux sociaux par la fachosphère européenne. Entre les deux feux : des milliers de migrants qui le paient parfois de leurs vies.

Des échanges de grenades lacrymogènes, voire des tirs à balles réelles, à la frontière d’un État membre de l’Union européenne, et des migrants pris entre deux feux : ce sont parfois de véritables images de guerre qui ont été capturées à un point de passage entre la Grèce et la Turquie depuis l’ouverture de ce dernier aux migrants par Erdogan, en février dernier. 

Face à l’afflux de réfugiés à la frontière turco-syrienne et à ce qu’il considérait comme un manque de soutien de l’UE à sa campagne contre le régime syrien, le président turc Recep Tayyip Erdogan – dont le pays a déjà accueilli plus de trois millions de syriens – avait annoncé le 28 février qu’il n’empêcherait plus les migrants présents en Turquie de se rendre dans l’UE via la Grèce. Erdogan entendait ainsi faire pression sur l’Europe, à qui il demande un « juste partage du fardeau» pour faire face à l’afflux de réfugiés syriens provoqué par l’offensive d’Assad et de son allié russe à Idlib. La veille, au moins 33 militaires turcs avaient été tués en Syrie dans une frappe officiellement attribuée à l’armée arabe syrienne. 

Jusqu’à 13 000 migrants tentent alors de franchir la frontière entre la Turquie et la Grèce, selon l’organisation internationale pour les migrations (OIM). Parmi eux, des Syriens, mais aussi des Irakiens, des Afghans, des Pakistanais et des Iraniens. 

Le poste-frontière de Kastanies-Pazarkule, champ de bataille numéro 1

Cette décision unilatérale du président turc a causé de fortes tensions politiques et a conduit à des situations parfois très violentes avec les autorités grecques. Selon les services de renseignements allemands, les autorités turques auraient contraint des réfugiés à monter dans des bus pour les conduire à la frontière. Des membres des forces de sécurité se seraient même mêlés à la foule pour encourager les émeutes, rapporte Der Spiegel.

Sur cette vidéo de l’agence pro-Kremlin Ruptly, on peut voir des grenades lacrymogènes tomber du côté grec de la frontière, près du point de passage de Kastanies-Pazarkule.

Des violations des droits humains auraient aussi été commises par les forces de sécurité grecques : renvois illégaux à la frontière, tortures, détentions illégales, usage de grenades lacrymogènes potentiellement létales et tirs à balles réelles. Selon Amnesty, au moins deux migrants ont été tués.

De nombreuses images de ces incidents sont apparues sur les réseaux sociaux au cours du mois de mars. Sur cette vidéo on peut par exemple voir des policiers turcs tirer du gaz lacrymogène de l’autre côté de la frontière sous les encouragements des migrants. Sur une autre vidéo visiblement tirée d’images de caméras de vidéo surveillance, on peut apercevoir des policiers grecs utiliser un ventilateur géant pour repousser du gaz lacrymogène de l’autre côté de la frontière. Sur une troisième, on peut même voir un agriculteur grec pulvériser du lisier de l’autre côté de la frontière pour dissuader les migrants de passer. Enfin cette vidéo de l’Associated Press montre également des affrontements entre les forces grecques d’un côté, et turques de l’autre.

(Vidéo Associated Press)

Grâce à quelques bâtiments distinctifs, notamment la tour du poste frontière ou encore la position des chemins de terre par rapport à la clôture, ces images postées entre le 7 et le 12 mars peuvent être géolocalisées à un seul et même endroit : le poste-frontière de Kastanies-Pazarkule, l’un des principaux points de passage entre la Grèce et la Turquie :

Position du poste-frontière de Kastanies-Pazarkule sur Google Map.

Pour plus de clarté, nous avons utilisé cette vue aérienne du poste-frontière où la tour d’observation est bien plus visible :

Géolocalisation des trois vidéos près du poste-frontière de Kastanies-Pazarkule. Crédit : Elie Guckert

Cette vidéo de l’agence turque pro-Ankara TRT collectée par le site d’investigation Bellingcat où l’on peut entendre des coups de feu semble avoir elle aussi été tournée dans la même zone, là où le chemin de terre côté turc longe la clôture marquant la frontière :

Source : Bellingcat.

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Ce poste-frontière a été l’un des points privilégiés par la Turquie pour forcer les migrants à traverser la frontière turque, tentant au passage de déstabiliser son voisin grec, avec qui les relations sont pour le moins tendues. Ankara n’a en effet pas poussé les migrants vers le poste-frontière avec la Bulgarie, un État avec lequel ses relations sont beaucoup plus cordiales, ni vers celui de Kipi qui est bien partagé avec la Grèce mais qui constitue une voie commerciale trop importante pour que la Turquie prenne le risque de sa fermeture. Le poste-frontière de Kastanies-Pazarkule est donc l’un des seuls points de passages terrestres possibles pour les migrants qui n’ont comme seules autres alternatives que de tenter de franchir l’Evros, où un migrant a été tué, ou de traverser la mer Égée pour poser le pied sur l’île grecque de Lesbos, option toute aussi périlleuse

Les réseaux sociaux et la fachosphère, champ de bataille numéro 2

De manière peu surprenante au vu de leur caractère impressionnant, les images des affrontements au poste-frontière de Kastanies-Pazarkule ont été instrumentalisés par tous les camps. Ainsi, l’agence de presse russe pro-Kremlin Ruptly a plutôt tourné des images vues depuis le côté grec de la frontière, tendant à présenter une Europe sous pression migratoire agressée par la Turquie. De son côté, l’agence turque pro-Ankara TRT World a plutôt filmé depuis le côté turc, insistant sur les violations commises par les forces grecques et sur la misère des migrants. 

Ces deux récits du même événement sont cohérents avec les vues respectives de Moscou et Ankara sur l’Europe et la crise migratoire en général. Mais la Russie et la Turquie ne sont pas les seuls acteurs à appliquer une grille de lecture partisane, si ce n’est mensongère, sur les affrontements à la frontière gréco-turque. En France, plusieurs responsables politiques d’extrême droite dénoncent sur Twitter ce qu’ils considèrent comme une « invasion migratoire » et affichent leur soutien à la Grèce, notamment via le hashtag #IStandWithGreece («je me tiens aux côtés de la Grèce»), qui a été utilisé 67445 fois entre le 1er mars et le 1er avril. Pour trouver ce chiffre, nous avons utilisé l’outil Twint, qui permet de collecter des données sur Twitter, via le langage informatique Python. 

Nous avons également pu voir combien de fois les utilisateurs ont utilisé le hashtag. Si certains ne s’en sont servis qu’une seule fois, d’autres en revanche l’ont tweeté des centaines de fois. 

Certains responsables politiques français comme le porte-parole du Rassemblement national, Jordan Bardella, se sont même rendus sur place, tout comme plusieurs personnalités issues de la mouvance identitaire, sans pour autant toujours utiliser le hashtag #IStandWithGreece :

Source : Newsy et Bellingcat

Dans un tweet posté le 1er mars 2020, la présidente du RN Marine Le Pen commente par exemple des images tournées au poste-frontière de Kastanies-Pazarkule, insistant sur le fait que les migrants sont « majoritairement des hommes » qui menaceraient d’arriver « bientôt dans les villes et villages de France », sans oublier de s’en prendre au passage au président Emmanuel Macron. 10 jours plus tard, Jordan Bardella intervient sur CNews – depuis la Grèce où il s’est rendu aux côtés d’autres personnalités d’extrême droite – pour prôner l’une des lubies du parti : la fermeture des frontières nationales face à ce qu’il qualifie de « véritable déclaration de guerre à l’Europe » par Erdogan.

Des vidéos montrant les affrontements entre forces turques et grecques au poste-frontière de Kastanies-Pazarkule sont aussi partagées par des membres du groupuscule Génération Identitaire. Le 12 mars, le porte-parole Romain Espino va jusqu’à dépeindre une guerre de civilisation entre la Grèce et des « envahisseurs » pour appeler à transformer la frontière en « barrage infranchissable ». Un concept que le groupuscule à déjà essayé d’appliquer en France de manière plus ou moins heureuse. Damien Rieu, cadre historique de l’organisation, assimile quant à lui les migrants à des islamistes – simplement parce qu’ils crient «Dieu est grand» – à la solde des forces Turques.

D’autres comptes influents de la fachosphère francophone – comme Damoclès et le «roi de l’intox» @tprincedelamour, se sont joints aux réjouissances. Tout comme des organisations plus radicales que le RN, mais pas forcément très influentes sur les réseaux, parmis lesquelles l’Action française ou encore la Dissidence française, 

Les incidents à la frontière gréco-turque ont donc été instrumentalisés par l’extrême droite française afin de nourrir son narratif global sur les migrations et l’Islam et promouvoir son projet politique, quitte à déformer les faits.

Migrants, toujours perdants

Cette rhétorique a priori réservée à l’extrême droite a pourtant trouvé des résonances au sein même des institutions européennes : le 3 mars, avec une mise en scène plutôt martiale, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, le président du Conseil Charles Michel et le président du Parlement David Sassoli se sont rendus à Kastanies (du côté grec du poste-frontière) pour affirmer le soutien de l’UE à la Grèce.  « Je remercie la Grèce d’être en ce moment notre bouclier européen », déclare alors Von Der Leyen, faisant ainsi écho à la logique de guerre invoquée par la fachosphère, et sans mentionner les violations des droits humains commises par la Grèce.

Tweet d’Ursula Von Der Leyen posté le 3 mars où elle s’affiche patrouillant à la frontière en hélicoptère.

Une logique de peur et de polarisation bien comprise par le président turc, qui avait déclaré le 3 mars : « Depuis que nous avons ouvert nos frontières, le nombre de ceux qui se sont dirigés vers l’Europe a atteint les centaines de milliers. Bientôt, ce nombre s’exprimera en millions ». Si Erdogan, qui ira jusqu’à comparer les gardes-frontières grecs aux nazis, est prompt à dénoncer les abus commis par son voisin grec, il n’a en réalité pas plus de considérations pour les droits fondamentaux des migrants et n’hésite pas non plus à les chasser sans ménagement lorsqu’il n’a plus besoin d’eux. Dans ces affrontements réels et virtuels autour de la frontière gréco-turque, chacun trouve donc son compte, mis à part des milliers de civils à la recherche d’un asile, réduits à l’état de moyens de pression et d’objets de propagande.

Retour sur enquête: monitorer un événement public sur les réseaux sociaux

Retour sur enquête: monitorer un événement public sur les réseaux sociaux

Dans une enquête pour Bellingcat, Sébastien s’intéressait à la présence d’un militant de l’extrême-droite française au festival néo-nazi “Asgardsrei” qui avait lieu en Ukraine en décembre 2019. A travers cet exemple, il fait ici un rappel des techniques basiques pour monitorer un événement public (concert, manifestation etc.) sur les réseaux sociaux.


L’unique point de départ de mon enquête était une photo diffusée via Telegram montrant un drapeau du Groupe Union Défense (GUD) brandi dans la foule lors du festival de “Black Métal National Socialiste” (NSBM) “Asgardsrei” qui avait lieu à Kiev, en Ukraine, le week-end du 14–15 décembre 2019. Celle-ci indiquait vraisemblablement qu’au moins un militant français avait fait le déplacement.

La photo diffusée via Telegram.

Bien évidemment, la personne apparaissant sur la photo avait pris soin de ne laisser apparaître aucun élément permettant de l’identifier, on voit simplement une main ainsi qu’une ombre à travers le drapeau. 

Dans un premier temps, j’ai donc décidé de collecter d’autres images du festival. Comme pour n’importe quel événement de ce type, le nombre important de vidéos, photos souvenirs et autres selfies publiés sur les réseaux sociaux multipliait la probabilité que ce militant français ait été capté par un objectif autre que le sien.

Récolter le maximum d’images du festival

Puisque je cherchais des images de l’événement, je me suis intéressé dans un premier temps à Instagram, réseau social par excellence en la matière. Pour essayer d’être le plus exhaustif possible, j’ai procédé selon deux approches différentes.

D’une part, quelques recherches rapides m’avaient appris que le festival avait eu lieu au “Bingo Club” à Kiev. J’ai donc cherché les photos et vidéos tagués comme ayant été prises dans cette salle. Comme souvent, il existait plusieurs geocodes liés à cette salle (Bingo Club, BingoClub Kyiv, Bingo Club Kiev…), et je les ai donc consultés les uns après les autres.

Les deux premiers geotags correspondent à la salle située à Kiev
Exemple d’une photo geo-taguée par un utilisateur au Bingo Club.

Pour récupérer l’ensemble des photos et vidéos, j’ai utilisé l’extension chrome “Downloader of Instagram + Direct Message” qui permet de télécharger automatiquement un grand nombre de publications. Si c’était à refaire aujourd’hui, j’utiliserais plutôt l’outil python “Instaloader” (pour les adhérents, voir l’excellent guide d’Hervé !) qui permet d’être plus précis, notamment en indiquant la date des photos et vidéos qui nous intéressent, ou bien de récupérer les commentaires associés à une publication.

Dans un second temps, j’ai cherché les publications contenant certains hashtags qui pouvaient être liés au festival. J’ai tout simplement commencé par #Asgardsrei, puis je me suis servi des autres hashtags associés par les utilisateurs à ce premier pour pivoter vers d’autres recherches.

Photos avec le #Asgardsrei.
En plus du #Asgardsrei, cette photo utilise d’autres # pouvant être utilisés pour multiplier les recherches.
Exemple d’une vidéo du festival que je n’aurais pas trouvé si j’avais simplement cherché avec le #Asgardsrei ou via les geotags.

Puisque j’ai effectué mes premières recherches alors que le festival avait encore lieu, j’ai également téléchargé toutes les stories (publications qui disparaissent au bout de 24h) associées aux différents hashtags, ainsi que celles géo-tagués au Bingo Club.

En suivant peu ou prou le même procédé, j’ai cherché des images du festival sur Facebook, Vkontakte, Twitter, Youtube, Snapchat… Je me suis également intéressé aux différentes pages en rapport avec le festival: événement sur VKontakte, pages sur les réseaux sociaux des groupes présents, site internet du festival etc.

L’analyse

Après avoir récupéré des centaines de photos et vidéos du festival, il s’agissait désormais de repérer dans la foule le drapeau du GUD ou bien un visage familier.

Puisque la plupart des images étaient prises dans l’obscurité de la salle de concert, seulement interrompue par quelques flashs lumineux liés à la mise en scène, j’ai essayé de situer dans l’espace la personne que je cherchais. La foule semblait relativement statique (mis à part un mosh vers le centre de la salle à certains moments), j’en ai donc conclu que l’individu qui m’intéressait devait probablement se situer en face de la scène, vers l’avant de la salle. Si un simple croquis et un œil attentif m’ont permis de le repérer assez rapidement (quelques heures tout de même), j’ai aussi envisagé la possibilité de synchroniser différentes vidéos du festival pour en reconstituer des parties sous plusieurs angles.

Ce travail m’a donc permis de repérer le drapeau du GUD à de multiples reprises lors du festival (principalement lors des passages des groupes “Baise Ma Hache” et “Goatmoon”), mais surtout d’apercevoir son porteur.

Captures d’écran d’une vidéo publiée sur Youtube.

Identifier le porteur du drapeau

Cette silhouette qui m’était familière, ainsi que d’autres indices publiés sur la page Facebook “Ouest Casual” (associée au canal Telegram) laissant penser que le militant s’étant rendu en Ukraine était lié au groupe “Zouaves Paris”, m’ont conduit à consulter le profil d’un certain Marc “Hassin”. Ancien membre du GUD et militant bien connu des Zouaves Paris, Marc avait récemment mis à jour sa photo de profil Facebook, indiquant que celle-ci avait été prise en Ukraine, le 21/10/2019.

La photo de profil Facebook de Marc “Hassin”.

Peu convaincu par la possibilité que Marc “Hassin” ait effectué un voyage en Ukraine presque deux mois jours pour jours avant Asgardsrei, et en partant du principe que la date indiquée pouvait contenir une faute de frappe (10 pour le mois au lieu de 12) ou bien avoir été volontairement modifiée, j’ai décidé d’effectuer des recherches sur ce championnat de kick-boxing.

Ayant peu de résultats convaincants via Google et Yandex, j’ai encore une fois utilisé Instagram et cherché des photos utilisant #kickboxing aux alentours du 21 décembre. Sur plusieurs d’entre-elles, j’ai remarqué un décor similaire à celui en arrière-plan sur la photo de Marc “Hassin”.

Photo du championnat auquel a participé Marc “Hassin” publiée sur Instagram avec le #kickboxing.

Après vérification, il s’agissait bel et bien du même événement, un championnat s’étant déroulé au “Спорткомплекс КПИ” à Kiev du 20 au 22 décembre. J’ai donc une fois de plus réuni le maximum de photos et vidéos du championnat, que ce soit via divers #hashtags ou bien le géotag.

Marc n’apparaissant visiblement pas sur celles-ci, j’ai consulté méthodiquement les profils Instagram des personnes ayant publié ces photos: autres photos publiées, photos sur lesquels le compte est identifié, stories “à la une” (stories archivées par l’utilisateur et donc en ligne au delà des 24h initiales).

Après de longues recherches, j’ai finalement identifié Marc sur plusieurs photos, notamment des stories archivées. Sur l’une d’entre elles, Marc posait avec le même drapeau que celui brandit à Asgardsrei.

Photo de Marc “Hassin” au championnat de kick-boxing à Kiev avec un drapeau du GUD, publiée sur Instagram et archivée en “stories à la une”.

Conclusion

Si d’autres informations sont venues compléter mon enquête, ce sont les deux éléments présentés ici (la silhouette du porteur du drapeau et la photo de Marc avec ce même drapeau à Kiev quelques jours plus tard) qui en ont formé la base.

En somme, donc, pas de recours à des techniques de sorcellerie très poussées en OSINT, mais un travail se voulant méthodique et exhaustif. Comme quoi multiplier ses recherches autours de différents hashtags ou geotags et compulser des dizaines de profils efficacement peut (parfois) suffire!

RADIOAMATEURS : une source méconnue de l’OSINT ?

RADIOAMATEURS : une source méconnue de l’OSINT ?

L’ami Gimli nous proposait un chouette challenge sur Twitter, de la géolocalisation à base de source radio-amateur.
L’occasion pour lui d’écrire l’article ci-dessous, mêlant, comme souvent ici, méthodologie et analyse technique!


De nombreux articles et méthodologies sont disponibles en ligne pour tracker les navires de commerce. Mais, qu’en est-il du suivi des navires de la marine de guerre russe ?

Bien avant l’apparition des satellites, de l’AIS ou tout simplement de l’OSINT, le monde des radioamateurs s’est investi dans cette thématique … et ils n’hésitent pas à partager !

Alors, pourquoi se priver de cette masse d’informations dans nos investigations ?

Par exemple, que pouvons nous dire de la position de ce bâtiment à la date du 14 avril 2020 ?

Via un module complémentaire installé sur Mozilla Firefox, (par ex : Search by image), nous trouvons facilement le nom de ce navire : le PM-82 via le site :

https://mil-avia.livejournal.com/379233.html

Le PM-82 (ПМ-82 en russe) semble être un « atelier flottant »…

Essayons donc plusieurs recherches via différents moteurs de recherche (Google et Yandex notamment).

Le site mil.ru nous indique que le PM-82 fait partie du projet 304 et qu’il est conçu pour réparer les navires, leurs armes et leurs équipements techniques dans des zones éloignées. Mais l’information intéressante est qu’il est en route pour la baltique au 31/03/2020.

Dans les résultats apparaît également ce post sur VK : https://vk.com/navyofrussia?w=wall-129663182_3276 (archivé ici, au cas où…) qui indique :

ПМ-82 возвращается в базу ДКБФ после службы в дальней морской зоне. 18.04.2020 г.

Avec comme traduction approximative de Google :

« Le PM-82 retourne à la base DCBF après avoir servi dans la zone de haute mer. 18/04/2020. »

En cherchant sur Google « ПМ 82 », une vidéo youtube est disponible mais là encore datée du 18 avril 2020.

Pour l’instant, aucune information ne correspond à la date souhaitée. Il faut peut-être changer d’axe de recherche et s’intéresser à une thématique pas assez connue et exploitée.

Les moyens de communication.

Préambule

Tout mobile a besoin de communiquer avec son état-major … alors pourquoi ne pas tenter des recherches de ce côté-là. Suivant la distance entre deux stations (Navire/Terre – Navire/Navire – Terre/Navire), les moyens de communications clairs ou chiffrés utilisés ne sont pas les mêmes.

Tout le monde a déjà entendu parler des communications par Satellite mais il existe d’autres moyens.

Deux stations proches (à portée d’horizon) peuvent par exemple utiliser des moyens de communications passant par des ondes directes (VHF-UHF) alors que des stations éloignées privilégieront la gamme HF (Haute Fréquence – 3 / 30 Mhz). En effet, suivant la propagation, cette dernière permet d’envoyer des messages sur des distances considérables (des milliers de kilomètres).

L’utilisation de cette gamme de fréquence reste incontournable pour les services maritimes et aériens notamment pour garantir la sécurité des liaisons océaniques, pour les liaisons fixes ou mobiles dans des zones sans infrastructure, ou en secours, en cas de catastrophe naturelle ou pour le trafic militaire. (Merci Wikipédia).

Info : saviez-vous que certains mails à destination de navires transitent par la gamme HF via un système nommé SAILMAIL. (https://sailmail.com/)

La Marine russe

La Marine russe est une des dernières de la flotte mondiale à encore utiliser la télégraphie Les matériels modernes coûtent chers et sont compliqués à entretenir alors que les systèmes de communications traditionnels comme la télégraphie font encore leur preuve.

Qui plus est, ils ont de nombreux avantages : fiabilité, simplicité d’utilisation, résistance au bruit …

OSINT et le monde des radios amateurs.

  • En Osint de nombreux passionnés veillent et « écoutent » ce qu’il se passe sur le web, sur les réseaux sociaux …
  • Chez les radioamateurs, il y a autant de passionnés qui écoutent ce qu’il se passe sur les ondes radioélectriques.

Ces passionnés (SWL : Short Wave Listener) écoutent les différentes transmissions transitant par ces ondes au moyen de simple récepteurs radio et d’antennes (appropriés à la bande de fréquence écoutée).

Les radioamateurs suivent les navires de la Marine russe depuis des décennies! Ils se sont concertés, ont croisés leurs interceptions et ont ainsi réussi à faire correspondre un grand nombre d’indicatifs à des noms de navires. Alors pourquoi ne pas n’essayer de trouver l’indicatif d’appel de ce navire ?

Pour communiquer, deux stations utilisent des identifiants qui sont appelés « indicatif ».

Donc sur Google, et sans trop se prendre la tête, à l’aide d’un googledork, on peut trouver ceci :

Nous obtenons ici, un résultat plus que prometteur! (Merci F5BJR!!!)

Nous avons donc, semble-t-il l’indicatif d’appel télégraphique de ce navire. Continuons notre investigation avec la requête suivante sur Google :

Cela nous confirme que nous sommes sur la bonne voie!

Une dernière requête sur notre moteur de recherche ; « rjs81 » + « russian navy » nous amène sur

En cherchant sur Log avril 2020 – passion-swl, nous arrivons sur ce qui semble être très intéressant mais sous forme codée. Heureusement, l’auteur a eu la bonne idée de mettre la position décodée sur Google maps.

La réponse à notre recherche :

12464.00 RJS81 : Russian Navy SHIP 1200z CW RJS81 Wkg RIW (QSO and QTC SML FOR RJH45 RJD38 = 14121 99569 10078 41/98 73214 10057 40186 57013 70220 8//// 2212 200140 14012 = = AR RJS81 K – LOCATION : https://goo.gl/maps/SQmfaMC5E15NVtw47) in Duplex – Qsx on 9145 14-APRIL-20 (F5JBR)

Aller plus loin

Depuis de nombreuses années certains des bâtiments de la Marine Russe transmettent à leur QG via la télégraphie (Code Morse) les conditions météorologiques qu’ils rencontrent en mer sous forme de messages « codés ».

Un autre Exemple (comme cela vous pourrez vous exercez à trouver la position, la route et la vitesse du PM-82):

RMFE Wkg RMP (QSO and QTC SML 363 16 14 0900 363 = FOR RJH45 RJD38 = 14061 99576 10108 44598 53506 10067 40150 52010 70311 85500 22232 00050 20201 14013 = AR RMFE K

Ce type de message a une structure connue et nous permet en le décodant d’obtenir la position du navire.

Comment obtenir ce résultat depuis le message codé ?

Suivez le guide. (Seules les parties nous intéressant seront explicitées. Pour de plus amples informations voir ici.)

RMFE = l’indicatif du navire qui transmet le message (l’identifiant « en ligne » du bâtiment)

14 = date 14 avril 2020

0900 = heure de rédaction du message

99576 10108 = position du navire … pour décoder cette partie, on fait comme ça :

1) La position actuelle du navire est codée de la façon suivante:
… 99LaLaLaQcLoLoLoLo

… 99576 10108 … Kézako?

  • 99 Annonce position navire
  • LaLaLa (576) Latitude en degrés et dixièmes de degré. Toujours codé avec trois chiffres, les deux premiers chiffres sont des degrés réels, le dernier chiffre pour les dixièmes de degré (57.6 donc 57.36)Qc (10) Quadrant du globe (spécifiez si la latitude est nord ou sud et la longitude est ou ouest). 

Si le navire est au nord de l’équateur (latitude nord):

– 1 à l’est du méridien de Greenwich (longitude est)

– 7 à l’ouest du méridien de Greenwich (longitude ouest)

Si le navire est au sud de l’équateur (latitude sud):

– 3 à l’est du méridien de Greenwich (longitude est)

– 5 à l’ouest du méridien de Greenwich (longitude ouest)

Si vous me suivez … passons à la longitude.

  • LoLoLoLo (108) Longitude en degrés et dixièmes de degré. Toujours codé avec quatre chiffres, avec le premier chiffre (des centaines) codé comme 0 ou 1. Les trois premiers chiffres sont des degrés réels, le dernier chiffre pour les dixièmes de degré (10,8 donc 10,48)

 les données de route et de vitesse des navires sont codées de la façon suivante:
… 222
DsVs

… 22232

  • 222 indicateur
  • Ds (3) cap vrai du navire pendant les trois heures précédant l’heure d’observation :
  • Vs (2) Vitesse moyenne du navire, en nœuds, au cours des trois heures précédant l’heure d’observation :
  • 0 0 nœud
DsVs
0  immobile0 0 nœud
1 NE1 1 à 5 nœuds
2 E2 6 à 10 nœuds
3 SE3 11 à 15 nœuds
4 S4 16 à 20 nœuds
5 SW5 21 à 25 noeuds
6 W6 26 à 30 noeuds
7 NW7 31 à 35 noeuds
8 N8 36 à 40 noeuds
9 Inconnu9 Plus de 40 noeuds
/ Non rapporté/ Non rapporté

Donc notre navire RMFE est situé au 57.36N 10.48 E en route au sud Est pour une vitesse de 6 à 10 Nœuds.

Et voilà pas si compliqué 😉.

Quelques sources d’intérêt « Sigint ».

Pour le suivi des communications RADIO :

ENIGMA2000 http://www.signalshed.com/ et leur newsletter http://www.signalshed.com/nletter05.html

NumberStations https://www.numbers-stations.com/ ou sur https://twitter.com/Spy_Stations

Priyom : http://priyom.org/

L’union international des radioamateurs https://www.iaru-r1.org/ et spécialement leur newsletter https://www.iaru-r1.org/spectrum/monitoring-system/iarums-r1-newsletters/ qui fait la part belle à la chasse aux « intruders » sur les bandes de fréquences réservées aux radioamateurs.

Pour la connaissance et le suivi des signaux électromagnétiques :

https://www.sigidwiki.com/wiki/Signal_Identification_Guide

Pour le suivi des forces (gouvernement / armée / police) et des fréquences radio HF

(documents un peu anciens mais très instructif)

Udxf : http://udxf.nl/ute-info.html

Signé : Gimli